Podcast #18 : Pourquoi je suis devenue prof et comment j’enseigne ?
Cela fait déjà 17 épisodes que je te parle de la France et de la langue française.
De temps en temps, je partage mes souvenirs et mes expériences et je donne aussi mon opinion sur les sujets que je traite.
Mais je ne t’ai encore jamais parlé de l’origine de mon projet et de pourquoi je suis devenue professeure de français.
Ça me semblait important de te parler des raisons qui m’ont poussée à devenir prof, et crois-moi, ce n’était pas une vocation.
Je voulais aussi t’expliquer ma vision de l’enseignement, ce que j’essaie de créer avec Alice Academy pour offrir la meilleure expérience possible à mes élèves, en me basant sur ma propre expérience d’étudiante en langues étrangères.
La naissance d'Alice Academy
Donc, effectivement, à la base, je ne voulais pas du tout être prof.
Pourtant, j’étais plutôt bonne élève à l’école même s’il y a eu des hauts et des bas. J’ai même plusieurs personnes de ma famille qui ont travaillé dans le domaine de l’enseignement.
Mais il y avait quelque chose qui me gênait dans la profession d’enseignant : le côté trop scolaire, trop cadré qui ne laissait pas beaucoup, selon moi, de liberté aux professeurs et aux élèves.
Je ne voulais pas être prof mais une chose était sûre : je voulais travailler dans les langues étrangères. C’était une conviction très profonde. J’avais été sensibilisée aux langues étrangères très tôt : l’italien par mon grand-père maternel, et mon père parlait couramment anglais et allemand.
Les langues avaient donc toujours été valorisées chez moi. J’ai également une tante qui nous a permis, ma sœur et moi, de voyager dans plusieurs pays quand on était petites donc, sans savoir exactement quel métier faire : je savais que ce que j’aimais profondément c’était découvrir d’autres pays, d’autres cultures, d’autres langues.
Je trouvais ça passionnant ! Rien que de dire ça, j’ai le sourire aux lèvres.
Mais que faire quand on parle d’autres langues ? Travailler dans le tourisme comme guide ? Devenir interprète ou traductrice ? Ou bien-sûr, le plus classique, devenir prof de langue au collège ou au lycée. Bon clairement, j’avais éliminé d’office la dernière option.
J’ai découvert la traduction au lycée avec ma prof d’allemand et j’ai eu comme une révélation : j’aimais écrire, j’aimais jouer avec les mots et je trouvais ça beau de donner accès à une œuvre à des personnes qui ne parlent pas la langue originale du texte. La traduction permettait la rencontre entre deux langues et deux cultures.
C’est ainsi que j’ai suivi des études en littérature italienne, puis en traduction à la Sorbonne. Et non, je n’ai pas continué l’allemand car je me sentais plus proche de la culture italienne et j’avais déjà pour objectif de partir vivre en Italie pour m’imprégner totalement de la langue et de la culture.
Et je suis effectivement partie en Erasmus à Rome, une expérience inoubliable qui m’a profondément marquée et m’a transmis le virus du voyage et des rencontres avec les autres cultures.
Après mon année d’E rasmus, je suis retournée finir mes études à Paris et je n’avais qu’une envie : repartir à l’étranger. En tant qu’étudiante, je pouvais participer à un programme d’assistants de français dans une école européenne.
Comme j’avais commencé à apprendre le portugais à la fac et que je ne connaissais pas le Portugal, je me suis dit que ce serait l’occasion de visiter le pays, d’améliorer mon portugais mais aussi de tester le métier de prof pour me faire une idée.
Je vais te la faire courte mais dans mon domaine de traduction qui est les Arts du spectacle (donc littérature, cinéma, théâtre), c’est très difficile de vivre uniquement de la traduction, surtout en italien, qui n’est malheureusement pas une langue aussi utilisée que l’anglais par exemple.
Et mes profs à la fac m’avaient bien prévenue qu’il valait mieux trouver une activité complémentaire. C’était pas très encourageant.
Donc direction Lisbonne pour tester le métier de prof et voir concrètement si ça me plaisait. Bon, je ne vais pas faire durer le suspens plus longtemps mais non, je n’ai pas eu de révélation et même si l’expérience a été agréable dans l’ensemble, ça m’a confirmé que je ne voulais pas vivre le quotidien d’un professeur d’école : avoir des horaires imposés, passer plus de temps à crier qu’à enseigner et devoir faire preuve d’autorité avec des enfants difficiles (parce que le collège était situé dans un quartier difficile).
J’aimais enseigner mais à des adultes consentants et motivés et surtout, être libre dans les sujets abordés et dans le choix de mes horaires de travail.
C’est ce que j’ai pu expérimenter ensuite au Brésil où je suis partie pendant presque deux ans et où j’ai travaillé au début dans une école de langues et dans des entreprises françaises comme Leroy-Merlin, LVMH, Saint-Gobain ou le groupe Casino, puis ensuite à mon compte grâce au bouche-à-oreille, c’est à dire grâce aux recommandations de mes élèves.
À cette époque, je n’avais ni site, ni compte Insta, ni podcast, ni chaîne Youtube et ça marchait très bien ! Je donnais mes cours dans des Starbucks, franchement j’aurais pu être sponsorisée par Starbucks tellement je leur apportais de clients !
Lorsque j’ai concrétisé mon projet Alice Academy en 2020, c’était finalement dans le but de créer une activité sur-mesure, à mon image, qui respecte mon besoin de liberté, de flexibilité et de créativité tout en aidant des personnes à apprendre le français pour étudier, travailler ou simplement voyager en France. Et c’est ce que j’avais commencé à faire au Brésil.
Je suis désolée mais je préfère être honnête : préparer uniquement des élèves à des diplômes de français, ça ne m’intéresse pas. Je veux travailler avec des personnes passionnées comme moi de langues, de culture, de voyages. Si je suis à mon compte, c’est bien pour choisir avec qui je travaille.
Une prof pas tellement académique
Rassure-toi, je ne suis pas non plus une prof complètement freestyle, quoique j’aime beaucoup proposer des contenus originaux.
Mais, déjà, je connais bien ma propre langue puisque je suis diplômée en traduction mais aussi je connais l’italien, le portugais et l’anglais (j’ai des restes d’allemand et je comprends bien l’espagnol).
Je pense que c’est un gros avantage parce que mes élèves sont pour la plupart Brésiliens, Italiens et hispanophones. Je peux facilement repérer les erreurs fréquentes dans ces langues et comparer si besoin les langues entre elles.
Je me suis aussi formée grâce à des formations en ligne, je lis beaucoup sur le sujet de la pédagogie et je teste différentes méthodes et techniques d’apprentissage avec mes élèves ou avec moi-même.
Ce qui me différencie peut-être d’un professeur plus traditionnel, c’est que je n’aime pas la routine et les programmes trop prévisibles et segmentés avec 15 minutes de compréhension orale, suivi de 15 minutes de compréhension écrite etc, je trouve qu’on s’ennuie quand tout est prévisible et répétitif et qu’on peut vite perdre sa motivation en tant qu’élève.
C’est ce que j’ai vécu quand j’ai décidé de prendre des cours d’anglais fin 2019 dans une école de langue pourtant réputée.
Ma mauvaise expérience en tant qu'élève
J’avais un programme très intensif avec une grande partie à faire sur une plateforme en ligne, donc c’était du e-learning.
Je regardais une vidéo, ensuite il y avait des questions de compréhension, puis des exercices en ligne, beaucoup d’exercices, et une production écrite à faire (mais qui n’était pas toujours corrigée).
Il y avait aussi une simulation de conversation avec des dialogues préenregistrés, et des temps où on devait parler seul sans avoir la possibilité d’être corrigés. C’était un peu bizarre et pas très naturel.
Pour valider chaque chapitre, j’avais un cours d’une heure chaque semaine avec un prof mais c’était uniquement pour valider les connaissances du chapitre, en particulier le vocabulaire. On n’avait pas vraiment la possibilité de sortir de la thématique et d’avoir une conversation naturelle avec le prof.
On nous faisait plutôt discuter par groupe de 2 ou 3 élèves en anglais mais on était tous français donc c’était très artificiel.
Désolée, je sais que ça se fait pour certains cours de conversation mais selon moi pour apprendre à vraiment parler comme les natifs, il faut absolument parler avec un natif ou quelqu’un de parfaitement bilingue.
Si, pendant le cours, tu parles seulement avec un autre élève, vous risquez de vous apprendre mutuellement des erreurs ou, si tu as un meilleur niveau que l’autre élève, tu risques de devenir toi-même le professeur et ne rien apprendre de nouveau.
L’interaction, c’est bien mais le professeur doit être le premier interlocuteur de l’élève, il doit être présent pour corriger et enseigner les expressions et façons de parler typiques de la langue. Sinon, l’élève va continuer à parler en copiant la structure de sa langue maternelle.
Ma méthode pour enseigner le français
Donc comme tu peux l’imaginer, je ne suis pas très satisfaite de cette expérience et je n’ai pas eu l’impression de vraiment progresser en anglais.
Mais cette expérience m’a permis de bien réfléchir à la manière dont j’allais organiser mes cours et structurer mes programmes en ligne.
Oui, j’utilise une plateforme pour partager du contenu et donner des exercices parce que je trouve plus intelligent de laisser l’élève découvrir une nouvelle règle de grammaire ou du vocabulaire à son rythme, où et quand il veut.
Nous n’avons pas tous le même rythme et ce serait dommage de “gâcher” (entre guillemets) une heure en direct avec le prof et les élèves pour expliquer une règle plutôt que de pratiquer la conversation. Je le dis, et je le répète, on apprend avant tout une langue pour la parler.
Et pendant mon cours, tout le monde parle !
Je suis quelqu’un de timide et je sais qu’il n’y a rien de plus frustrant dans un cours en groupe que de ne pas oser prendre la parole et que ce soient toujours les mêmes qui participent.
Là aussi, je suis radicale mais je fais parler tout le monde. J’interroge tour à tour chaque personne et je n’attends pas les volontaires. Parce que je sais que c’est vraiment libérateur d’avoir pu participer, même quand on est timide et qu’on a peur de parler en public.
Et si on est vraiment très timide, il y a bien-sûr l’option du cours particulier, seul à seul avec le prof.
Mais crois-moi, rester passif pendant un cours, c’est vraiment inutile.
Dans mes programmes en ligne, je cherche aussi à rester dans l’essentiel en termes de contenus et à diversifier au maximum les ressources et les activités pour ne pas ennuyer l’élève et lui permettre aussi de découvrir la culture française tout en révisant un point de grammaire ou de vocabulaire par exemple.
Ça ne sert à rien de “noyer” l’élève sous une masse de contenus comme ce que j’ai eu pour mes cours d’anglais pour au final avoir le sentiment de ne rien apprendre.
Ce sera toujours mieux d’apprendre 5 mots mais bien, en sachant les utiliser dans des phrases, qu’une liste entière de vocabulaire qu’on ne sait pas utiliser et qu’on oublie aussitôt.
Il faut faire moins mais mieux.
Pour deux raisons : la première, c’est que le rôle du professeur est de te permettre de communiquer rapidement et facilement et pas de t’apprendre à parler comme Victor Hugo avec des informations et des nuances inutiles de la langue française.
La deuxième, c’est que le rôle du professeur n’est pas d’être en première ligne et d’utiliser l’élève comme un public pour montrer qu’il sait tout, au risque de démotiver et culpabiliser l’élève parce qu’il a oublié un “S” au participe passé ou parce qu’il n’arrive pas à prononcer le R à la française.
Franchement, je vais le dire de manière familière parce que ça vient du cœur mais on s’en fout complètement !
Le rôle du professeur, c’est d’éveiller la curiosité de l’élève, le rendre actif et le plus autonome possible dans son apprentissage.
Pour les nuances de la langue, il pourra les apprendre plus tard à un niveau avancé.
Donc voilà, si je pouvais résumer mes cours en quelques mots, ce serait :
– amusant, parce que ça doit avant tout rester un plaisir ;
– concret parce que la pratique est plus importante que la théorie ;
– original parce qu’il faut éveiller sa curiosité et garder son âme d’enfant.